Faire la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix)

Par Silvain Ducros

 

L’année dernière, fort de mon « expérience » sur l’Ecotrail et la Saintelyon, je m’étais inscrit sans trop réfléchir à la CCC et malheureusement tiré au sort (j’aurai préféré attendre un an). 
 
J’arrive donc en 2014 sans aucune expérience du trail en montagne et cet énorme objectif à fin août. Priorité donc au trail et à la préparation. 
 
Plusieurs petits trails en ile de France ainsi que l’Ecotrail 80, le trail des forts de Besançon puis la 6000D comme courses de préparation.
Je complète finalement cette expérience par une reconnaissance du parcours  (sage décision), en 2 jours et demi fin juin
 
Au final, j’arrive à rassembler quelques atouts pour aller au bout mais plusieurs défis : 
- ma plus longue course était de 9h - la CCC va probablement durer plus de 20h !
- mon kilométrage max sur une course : 80 km - la CCC fait 101 km en montagne !
- mon dénivelé max sur une course : 3500 m - le dénivelé de la CCC fait 6100 m avec 5 grands cols !
 
C’est pas gagné !
 
 
J’arrive donc jeudi soir à Chamonix avec un autre ami coureur, juste à temps pour la remise des dossards et assister à l’arrivée de Jérome et Valérie sur l’OCC :
 
Leur exemple me sur-motive, ils sont allés au bout malgré les difficultés. Cette course est également difficile et représentait un défi. 

Ils ont finis. A mon tour !

 

 

Vendredi matin, navette de 7h30 pour Courmayeur, nous arrivons un peu avant le départ à Courmayeur. Il va falloir rentrer à pied maintenant !

 

Avant tout l’objectif est de finir mais le parcours de reconnaissance m’a donné des points de repères, j’ai découpé la course en 6 parties que j’estime durer de 3 à 4h et je vais chercher à franchir chacune de ses étapes l’une après l’autre :

  • Courmayeur-Bertone
  • Bertone - Grand Col Ferret
  • Grand Col Ferret - Champex
  • Champex - Trient
  • Trient - Vallorcine
  • Vallorcine - Chamonix

 

 

 

 
Au départ, les hymnes nationaux puis la musique de Vangelis (Across the mountains) donnent à ce moment une très forte émotion.
 
Il est 9h, je suis dans la première des trois vagues :
 
On nous souhaite un « bon voyage », le compte à rebours, et on est parti. 

 

 

Dès le début, après un petit tour dans Courmayeur, une ascension de plus de 1400 m de dénivelé : la tête de la tronche. On se met dans le rythme que l’on va essayer de garder le plus longtemps possible.

Arrivé en haut, on se dit que vraiment ça va pas être facile. Que 10km, déjà 2h30 de passé, les jambes ont encaissé une montée très raide. 

Arrivé en haut, descente vers le refuge Bertone. En fait, on a juste fait une boucle. On aperçoit Coumayeur en bas.

 

 

 

 

Ce qui suit jusqu’à Arnuva au 27ème km permet de récupérer, C’est roulant mais varié. relativement facile. Le paysage de montagne est magnifique. 

Le temps se dégrade un peu mais reste relativement agréable.

Ensuite vient la longue montée du grand Col Ferret. 700 m de dénivelé en environ 4km. Deuxième grosse épreuve  Avec moins de fraicheur que sur le premier col, ça parait long. Ca entame bien le physique et le moral quand on pense à ce qu’il reste.

Puis vient la descente sur la Fouly et Praz du fort.Dans la grande descente qui suit, c’est roulant, il faut faire attention à ne pas s’emballer. 

 
 
En Suisse, il fait beau, on reprend du moral. 

En plus, on reçoit un super accueil lors de l’arrivée au ravitaillement de la Fouly. Vive la Suisse !

On continue ensuite la descente vers Praz du Fort, magnifique petit village avant la montée vers Champex que l’on aperçoit un peu plus haut entre les deux flancs de montagne.

 
 
C’est 300 à 400 m de dénivelé dans la forêt, sans grande difficulté . Mais ça peut user car on arrive ensuite à Champex en fin de journée, fatigué et on sait que le plus dur reste à faire. 
 
Beaucoup d’abandons se font à ce moment. 
 
L’accueil est là aussi très bon. 
 
Enormément de monde à Champex, les concurrents, les familles qui sont venues soutenir leurs proches. 
On peut prendre un repas chaud complet se reposer, consulter l’équipe médicale. C’est une base complète pour relancer les coureurs dans la deuxième partie de la course qui va se dérouler principalement de nuit et avec des difficultés plus importantes.
 
Arrivé vers 18h30 à Champex, j’y reste environ 20 minutes et je repars après avoir bien récupéré. Il ne fait pas encore nuit et je retrouve une connaissance avec qui je bavarde dans la descente qui suit Champex. 
 
Vient la montée « de Bovine » vers la Giète. 
 
C’est la première grande épreuve de la nuit, le brouillard descend, le temps se dégrade, la pluie.
 
Mais je monte bien, j’abandonne mon camarade que je retrouverai plus tard, dépasse de nombreux concurrents et je me retrouve ensuite un peu seul en haut dans le brouillard, au crépuscule. 
 
Comme il faisait encore jour je n’avais pas mis ma frontale. Pour l’instant je ne m’arrête pas, tout est détrempé autour de moi. Peu de points de repères dans les alpages, il faut trouver les balises. 
Par moment, il n’y a pas vraiment de sentier. On entend les cloches et les meuglement des vaches mais on ne les voit pas. 
 
 
Tout d’un coup, une silhouette à corne émerge sur le sentier, 10 m devant moi. Taureau ou vache, je ne sais pas. Je la contourne prudemment en ne la quittant pas des yeux. 
« En plus ma veste est rouge ! » . Elle me suit également du regard mais ne bouge pas. Tant mieux, j’accélère un peu.
 
Arrivée en haut, je m’arrête avec d’autres concurrents pour récupérer une frontale et commence la descente vers Trient. une descente que j’aime bien car elle n’est pas très glissante même par temps de pluie (je n’aime pas bien la boue et elle me le rend bien)
 
Encore une bonne pause à Trient et l’on démarre la longue montée en lacet vers Catogne. C’est une montée sur laquelle il faut être patient car elle est longue et monotone. Je met environ 1h20 pour venir à bout des 750m de dénivelé. 
La descente après Catogne vers Vallorcine devient rapidement glissante, très glissante même avec la pluie. La nuit n’arrange rien. Ca devient pénible. Plus d’une heure quand même pour descendre les 7km ! Heureusement que l’on se rapproche de la fin ! 
 
On reprend des forces à Vallorcine puis c’est parti, une petite marche vers le col des Montets, c’est plutôt facile et pas vraiment raide. On peut même courir par moment.
 
Puis vient la terrible montée vers la « tête aux vents » . 
 
Un spectateur me dit que « c’est le dessert » . Un drôle de dessert minéral : des rochers et des rochers à escalader. 
 
Des fois on ne sait pas comment passer, il n’y a pas de chemins, que d’énormes rochers mais les balises vous le rappellent : « si, si il faut bien passer par là ».
Arrivé en haut reste encore quelques km à parcourir sur des rochers rendus glissants par la pluie, difficile d’avancer. Mon camarade me rejoint. 
Un encouragement et il s’éloigne dans la nuit. 
 
Pour lui ça va mieux. Pour moi c’est moins bien.

Enfin, le refuge de Flégère où l’on peut récupérer un peu.

 

Ensuite vient la descente vers Chamonix, très facile par rapport à ce que l’on a connu avant, c’est la délivrance. 

300 m avant l’arrivée je retrouve mon camarade qui m’avait doublé sur la tête aux vents, un autre également et on finis ensemble en courant sous les encouragements des spectateurs encore présents à 4h30.

Ca y est j’ai fini la CCC !

Photo finale avec mes 3 camarades de course. On s’est retrouvé à différents moments et on finis ensemble 349, 350 et 351 au classement :

 

Après quelques heures de repos, je rate cependant l’arrivée de Pascale, Philippe et Mohamed mais nous assistons à de nombreuses belles arrivées de concurrents et ensuite à l’arrivée de la PTL. 

 

 

Nous sommes aux premières loges pour l’arrivée de François d’Haene puis des deux espagnols sur l’UTMB :

 

 

 

 

Nous profitons encore un peu de l’ambiance sur Chamonix puis retour à Genève, avion et arrivée sur Paris en fin de journée.

 

 

 

Quelques impressions sur la course :

 

Ce que j’ai le plus apprécié : 

  • forcément le début, l’ambiance au départ, l’émotion
  • la partie légèrement vallonée mais roulante entre Bertone et Arnuva
  • la Suisse (La Fouly, Praz du fort) : un moment passé sous le soleil au pays d’Heidi
  • la montée vers Bovine après Champex ou cela se passe bien, j’ai bien récupéré au ravitaillement et là je commence à être persuadé que je vais finir.
  • l’arrivée bien sur. même si à 4h30 du matin, il n’y a pas grand monde.
  • les autres concurrents, ceux que l’on retrouve à différents moments de la course, toutes les nationalités représentées, le partage de l’effort avec eux
  • l’organisation et les bénévoles vraiment très sympas, les ravitaillements sont très bien organisés.
  • l’ambiance à Chamonix durant l’UTMB
  • la chance d’avoir pu parcourir le parcours classique dans sa totalité

Ce que j’ai le moins aimé :

  • en fin de parcours, la descente vers Vallorcine, dans la boue et la nuit. 
  • la dernière étape avec la montée vers la tête aux vents, une montée extrêmement raide, des marches d’escalier, des rochers puis une partie moins raide mais très glissante sous la pluie. Je ne pouvais pas courir même quand c’était « plat », plusieurs glissades et chutes heureusement sans gravité ont calmé mes tentatives.
  • la moitié de la course faite de nuit sous la pluie qui ne permet pas de profiter du paysage. On ne part qu’à 9h. En même temps, c’est un peu « ma faute », j’aurai du être plus rapide ou plus lent ! En fait c’est voulu, cela permet à de très nombreux coureurs de passer la « tête au vent » de jour et de finir avec la vue sur le Mont Blanc.
  • par moment la longueur de la course : 20 h c’est long.

Au final, vous le constatez : un bilan quand même positif 

 

En ce qui concerne les différents passages de cols sur la CCC :

Les 5 cols sont vraiment long à grimper, c’est la montagne. Pas moins de 700-800 m de dénivelé à chaque fois. Ils sont par contre tous différents :

  • La tête de la tronche, très long mais varié entre forêt, prairie alpine et finalement pierrier. C’est la plus longue ascension mais comme c’est la première, ça passe bien. 
  • Le grand col ferret dans un décor plutôt minéral qui se découvre progressivement et devient très long
  • La montée vers Bovine (la Giète), une montée dans la forêt, douce au début qui devient très raide en suivant le cours d’un torrent, des rochers, puis en haut les alpages et les vaches. S’il faut choisir c’est celle que je préfère.
  • La montée en lacet vers Catogne 750 m de dénivelé dans la forêt. Pas trop dur mais interminable. Où que l’on soit dans la montée, quand on lève la tête on voit toujours des petites lumières très hautes au dessus (les autres concurrents devant)
  • La montée vers « la tête au vent », pas plus longue que les autres mais constituée essentiellement de rochers qui servent de marche d’escalier. On pas l’impression de grimper un col mais de monter des escaliers. C’est très raide. La fin de la montée s’adoucit, devient presque plate par moment mais est toujours constituée de rochers très glissants sous la pluie. Très difficile à parcourir et éprouvant. Surtout de nuit et sous la pluie . Heureusement que l’on arrive bientôt. On fait ce qu’on peut, on avance, on patiente jusqu’à Flégere. C’est celle que j’aime le moins.

Je crois que ce qui m’a permis d’aller au bout de terminer et de bonnes conditions et d’être parti au bon rythme et d’avoir fait très attention à l’hydratation et l’alimentation.

« Endurer c’est durer ! ». 

 

Ce genre de course n’est pas une course de vitesse. A mon niveau on est pas là pour gagner mais pour finir. Par contre, dès le départ il faut faire attention, économiser son énergie, éviter de courir en montée, ne pas s’exploser les jambes en dévalant les descentes

Le deuxième point est l’alimentation et surtout l’hydratation. Quelques mauvaises expériences (crampes sur Saintelyon et Ecotrail) m’ont fait intégrer ce paramètre. Sur une course comme la CCC, pas le droit à l’erreur. Il faut s’hydrater constamment, boire de la soupe aux ravitaillement pour prendre du sel, boire du thé sucré pour reprendre de l’énergie rapide, manger aussi. 

Sans s’attarder plus que nécessaire, il faut profiter de chaque ravitaillement pour bien s’alimenter et être prêt pour l’étape suivante.  

Pendant la course, je me suis dit plusieurs fois : « j’avance à un rythme soutenable, je fais attention à mon hydratation. Donc si pas de bobo, je dois aller au bout. » . Quelques chutes dans la boue ou sur les rochers de la «  tête aux vent » m’ont bien provoqué quelques écorchures mais rien de grave. Les petits cailloux dans mes chaussures ont détruits mes chaussettes mais pas mes pieds (merci les 3 semaines de NOK).

Magnifique expérience que cette course. Difficile aussi. Des moments de bonheur mais aussi de la difficulté. En 20h on a le temps de se demander ce que l’on fait là. Heureusement qu’il y a les paysages, les autres concurrents, l’ambiance extraordinaire tout au long du parcours. C’est l’intensité des émotions que l’on rencontre dans une telle épreuve qui nous fait y participer. 

C’est vrai également que les épreuves de l’UTMB font rêver et y participer est probablement une étape incontournable dans la vie d’un « trailer » . 

Par contre multiplier ces expériences extrêmes : à voir, je ne suis pas très sur. Pour l’instant je vais revenir à plus court.