Trail Blanc de Serre-Chevalier 2011

Des fourmis blanches dans les jambes !

 Par Pierre-Yves Leterme
 
Après le coup de clic sur le bouton « s'inscrire », j'ai commencé, d'abord doucement et à mes heures perdues, puis avec plus d'insistance à mesure que l'échéance approchait, à me demander comment nous préparer au mieux à un trail blanc ?? Je pensais à la montagne bien sûr, et donc au froid, aux dénivelés, à l'altitude, aux équipements... mais je sentais confusément que je n'y étais pas vraiment...
 
J'ai appris qu'en fait il y a une seule et unique chose à laquelle il vaille la peine de penser. Et il ne faut compter que sur elle, ne se fier qu'à elle... mais elle dont on ne sait jamais ce qu'elle nous réserve même une heure avant le départ : Sera-t-elle dure comme le roc ou douce comme la ouate ? Moelleuse et profonde ou rude et cassante ? Aveuglante au soleil ou inquiétante dans la brume ? Ou plus surement un peu de tout cela à la fois.... Elle : la neige bien sûr !
 
Ah !! elle nous en aura fait voir sur les 30 kms du parcours le long de la rivière Guisane, qui nous emmène du village de la Salle dans les Hautes Alpes (1400 m), tantôt à flanc de coteaux, tantôt le long de la rivière, jusqu'à Monêtier et retour.
 
Elle tombait fine et drue dés le petit matin au réveil, et il a bien fallu se rendre à l'évidence : le franc soleil qui nous avait accueilli la veille à notre arrivée à Serre Che n'était déjà plus qu'un lointain souvenir. Mais cette mauvaise surprise n'avait en aucune manière entamé le moral des 800 coureurs qui piétinaient devant la ligne de départ, impatients d'en découdre ! Les renseignements glanés la veille au village (et le récit de Anne sur le trail givré !) nous avaient convaincus de nous équiper de Yaktrax, ces chaines ultra légères qui se fixent sous les chaussures de trail, et qui vont se révéler dés les premières foulées sur la neige d'une efficacité redoutable !
 
Ca démarre fort en effet par une pente très abrupte pour rejoindre une route forestière perchée dans la forêt à flanc de coteau. Très vite dans la montée, le peloton s'allonge(il y en a à l'avant qui visiblement ne sont pas venus pour admirer le paysage !!!), et c'est une longue cohorte qui rapidement s'étire en longueur sur le blanc de la pente, fourmis noires, fourmis rouges, et même des jaunes, et des bleues...
 
Une fois là haut, on comprend très vite que doubler en forêt est une entreprise bien hasardeuse ! A la moindre foulée en dehors de la trace on fait craquer la glace et on s'enfonce d'un bon 50 cm dans la neige vierge... 3 ou 4 foulées pour s'extirper au prix d'un déhanchement surhumain et, vite-fait, on regagne sans broncher la trace des fourmis... Heureusement, le parcours s'avère très varié (merci et bravo l'organisation !) et les nombreuses portions de larges chemins damés le long du torrent nous permettront de retrouver régulièrement des conditions de course un peu plus académiques !
 
Après 6 kms et une descente mémorable entre les sapins, la course se divise : A droite retour vers le village pour les concurrents de la « Guisanette » (12 km), à gauche pour nous ! La course s'est bien éclaircie. Le parcours alterne les chemins plats longeant les pistes de fond avec de courtes incursions très techniques en forêt qui exigent un grande concentration sur sa foulée : Il faut poser chaque fois le pied au bon endroit, éviter les dérapages qui cassent le rythme et menacent les chevilles, c'est un jeu de souplesse et d'agilité éprouvant où les bras travaillent beaucoup pour l'équilibre. Autant dire que l'on a pas beaucoup le loisir d'admirer le paysage pourtant magnifique : torrents sous la neige, cascades de glace, petits hameaux perdus dans les immensités blanches...
 
 
Après 2 heures de course nous atteignons avec un certain soulagement (quelle bonne surprise, car on se croyait encore loin du km 15 !!) le pont sur la rivière et le contrôle des dossards qui marque la mi-course.
 
Là les choses se corsent et nous n'auront plus de répit pendant les prochains 10 km... rien que de la forêt, à peine descendus... on remonte, on glisse, on crapahute, on y mets les mains, on ne cours jamais plus de quelques minutes de suite car la neige gelée nous impose un rythme chaotique, les cuisses, les chevilles, les bras sont sollicités. Avec bientôt 3 heures dans les jambes les barres de fruits nous redonnent un peu d'énergie, car le ravito solide n'est qu'au km 26... Que c'est loin le km 26...
 
Après quelques jolies glissades plus ou moins contrôlées, on retrouve la vallée, mais hélas le temps se gâte : la neige fait place à une pluie fine et glaciale... Comme ils sembleront long les 5 derniers kms, les jambes avancent toutes seules, on aperçoit les maisons du village de Villeneuve... enfin c'est l'arrivée, après 4h02 d'efforts, trempés, groggys, mais bien sûr : heureux !
 
Un grand repas chaud nous attends dans la salle municipale, quel plaisir de tous se retrouver à table après une telle épreuve, le vin coule, les langues se délient, qui à fait ceci, qui à vu cela... certains on la récup plus rapide que d'autres ! Sur le podium les vainqueurs en... 2h07, c'est tout simplement bluffant, les applaudissements sont nourris et chaleureux.
 
Le car bondé du retour nous réservera quelques ultimes émotions en passant le col du Lautaret (2058 m) totalement enneigé, et il s'en faudra de 3 petites minutes pour que nous ne rations le TGV à Grenoble, attrapé au pas ... de course !!! Mais alors, que c'est bon ensuite de piquer un roupillon à 300 km/h !
 
 
 
Foulée Royale - 9 Juin
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