La Saintélyon, par Hugo

Suite à un mauvais marathon à Caen au printemps, je m’étais décidé à changer mon fusil d’épaule et tenter de me réconcilier avec les longues distances par un trail de 40-50km à l’automne. Je me suis donc inscrit à la SaintExpress (marathon de jour, trail de nuit, besoin de changement …) avant de rejoindre le club.
C’est au cours d’un entrainement que la mouche m’a piqué de tenter le 75km complet (un peu aidé par une Muriel très rassurante). Aussi, lorsque Sandra nous a annoncé qu’elle ne s’alignerait finalement pas, je lui ai proposé d’échanger nos dossards. Mieux vaut ne pas trop réfléchir au moment de sauter dans le vide …  
Mon objectif devenait alors très simple : finir. Comment ? En me fixant une allure que je jugeais modérée : 7,5km/h, soit 10h de course minimum. L’objectif convenant à Claire, décision fut prise de courir ensemble.
 
Je passe rapidement sur la récupération du dossard à Gerland, l’organisation était nickel, je rejoins le groupe et on abandonne Sandra, seule du groupe à s’engager sur le 45k. Carton rouge à l’organisation sur ce point pour n’avoir rien prévu à Gerland pour les quelques 2000 inscrits sur la SaintExpress en attente de la navette de 21h.
 
Côté Saint-Etienne par contre rien à dire : gymnase chauffé, zone faiblement éclairée pour se reposer, café, thé, pain d’épice et chocolat servi à volonté et une organisation particulièrement serviable.
 
Préparation du matériel et petite sieste post diner et nous voilà prêts à démarrer. A l’heure de se rendre sur la ligne de départ, je n’ai pas bien compris si la zone était juste bordélique ou si nous avions resquillé en entrant par un côté ‘non prévu’. Le lancé de lucioles était magnifique, par contre.
 
Le 1er tronçon :
Un départ très routier mais un peloton qui reste compact, difficile de ne pas perdre Claire de vue. On arrive à Sorbiers passé 5-6kms pour entrer dans le vif du sujet : 4km de côte pour un plus de 200m d+. Et avec ça les bouchons : une majorité de coureurs marchent et bouchent le passage. Peu importe, il n’est hors de question de démarrer trop vite. Je suis incapable de dire quand le verglas s’est joint à nous. En haut de cette 1ère côte, je pense. Je me vautre une fois, deux fois (j’ai arrêté de compter après la demi-douzaine)… Pas grave, je sais chuter et la neige amortit. C’est de fait technique et intéressant.
Deux heures pour atteindre Saint-Christo, ça n’est pas délirant (7,8km/h) et entre le verglas, les bouchons et les côtes, on tient le timing de 10h sans s’user.
 
Au 1er ravito : OMG ! Une tente noire de coureurs, chacun pour soi et marche moi dessus. Consigne de Claire : on attrape du solide et on mange en repartant ; consigne d’autant plus judicieuse que nous nous retrouvons vite séparés. Je sors rapidement, me colle bien visible et attends Claire … 5min, 10min. Je me refroidis, je remonte à contre sens pour refaire un tour dans la tente au cas où Claire m’aurait attendu à l’intérieur. Impossible de repérer Claire, je ressors et j’attends de nouveau 5min. J’ai maintenant franchement froid et je me décide à repartir. J’ai perdu 20min bêtement.
 
Le 2ème tronçon :
Je passe mon temps à scruter les autres coureurs. Michel avait prévenu : portion difficile entre les kilomètres 16 et 22. J’ai l’impression de bien avancer quand c’est possible, de bien me débrouiller ; je double dans les descentes, me vautre encore de temps en temps… J’arrive à Sainte-Catherine à 4h24, plutôt content.
 
Vingt minutes de retard sur le timing en bouclant la portion difficile, je décide donc de me poser pour me changer de tee-shirt, manchettes, gants, buff. C’est là encore la cohue dans la tente mais je trouve un bout de banc et l’ambiance est finalement courtoise. Pour accéder aux tables de ravitaillement par contre, pas le choix il faut jouer des coudes.
Je tombe sur Bernard complètement par hasard et on repart ensemble. Temps d’arrêt : 25 minutes. J’ai eu l’impression d’y passer à peine 10 minutes.
 
Le 3ème tronçon :
Sortie de tente et claque thermique, j’ai remplacé mes gants d’hiver, trempés, par mes gants de soie et je sens nettement le froid. On relance pour se réchauffer, pas le choix.
L’organisation avait annoncé un parcours difficile jusqu’à Sainte-Catherine puis idéal jusqu’à Lyon. Sérieux ?? Le gars qui a fait l’annonce n’a certainement pas mis les pieds sur cette portion toute aussi verglacée que les précédentes. Plus que les côtes, jamais très difficiles mais longues, c’est le verglas qui commence à entamer mon moral. Petit coup de flip sur une chute mal gérée et rattrapée sur mon mauvais genou. De cette portion je retiens que Bernard est à l’aise dans les côtes et moi dans les descentes. J’essaie de me faire plaisir durant ces dernières, je sais que Bernard me rattrapera juste après. Mais il y a encore beaucoup de coureurs et les dépassements en descente sont souvent hasardeux. C’est la frustration qui pointe maintenant le bout du nez, je ne m’amuse plus beaucoup. Quelques kilomètres avant Saint-Genoux, je commence à ressentir des douleurs au genou, puis aux pieds, à la hanche droite (tiens, ça c’est nouveau ; hérité du dossard de Sandra, certainement). Je me rends compte que je multiplie les fautes de pieds et je crains de finir par me blesser. J’envisage l’abandon mais Bernard m’en dissuade.
On aura parcouru les 12km en 2h. Ouch !
Je passe au ravito devant une table marquée ‘abandons’ sans m’arrêter. J’espère juste qu’on en a fini avec le verglas. Arrêt de 10 minutes, toujours beaucoup de monde, une constante. J’ai beau l’avoir lu, je n’avais pas percuté à quel point c’est usant (vous aurez compris que je ne suis pas un grand social…).
 
Le 4ème tronçon :
On repart donc et comme à chaque sortie de tente le froid se fait prégnant. Il faut courir. Mais à peine réchauffé c’est une nouvelle côte et son cortège de marcheurs qui nous contraignent à marcher et nous refroidir de nouveau ! Heureusement celle là est courte et c’est reparti. Passé le 45ème kilomètre, je réalise que je viens de remplir mon objectif initial. Cela fait près de 8h que je cours (enfin, que je me déplace), ce qui excède très largement tout ce que j’avais pu faire jusqu’ici. C’est aussi à cet endroit que démarre une nouvelle côte qui me parait longue, très longue. Elle ne fait pourtant pas plus de 130m de d+, dans des conditions très proches de nos côtes d’entrainement : forêt, feuilles, racines et bouillasse.
Je pense que c’est en haut de cette côte que j’annonce à Bernard que je m’arrêterai à Soucieu. Décision est prise, je ne m’amuse plus du tout. J’aime courir mais je déteste marcher. Claire avait fait une remarque quelques jours auparavant comme quoi on s’auto-conditionne pour une durée de course. Je crois que c’est tout à fait vrai. Après 9h de course, je n’ai pas le courage de repartir pour encore 3h30.
Les derniers kilomètres sont interminables, je prétexte de la moindre montée pour marcher puis je n’ai même plus besoin que ça monte pour arrêter de courir. Pas de doute, quand le mental lâche les jambes ne font pas le boulot toutes seules.
 
Ce que je retiendrai :
Le verglas c’est sympa sur du trail court ; sur de telles distances c’est usant. Il faudrait que j’intègre plus de PPG dans mon plan d’entrainement pour ne pas me désolidariser quand ça glisse…
La longue file de frontale, c’est beau, certes mais on n’en profite pas beaucoup quand on scrute le sol devant soi. J’avais adoré courir à Val Thorens cet été. J’ai beaucoup moins aimé le parcours de la Saintélyon, très forestier.
 
Je pense qu’il y a trop d’inscrits sur l’épreuve, ça bouchonne de partout, dans les sentiers techniques, aux ravitos. Cela gâche un peu l’expérience. De fait, mieux vaut bypasser les ravitos autant que possible. C’est une cohue phénoménale, on ne s’y repose donc pas et on se refroidit très vite.
Je pense que la bonne solution est de zapper complètement Saint-Christo (ma poche à eau était encore plus qu’à moitié pleine), recharger en eau à Sainte-Catherine et filer direct pour faire de vraie pose qu’à Saint-Genoux (plus calme).
 
Tout le monde le dit, tout le monde le sait : ne pas courir avec des running neuves. Sauf que ça sous-entend de tester ses chaussures suffisamment tôt avant l’épreuve pour avoir le temps d’en racheter ET de les faire. J’ai testé mon matériel sur les 30km de la sans-raison, mi novembre et exclu à ce moment de courir la saintélyon avec les Salomon prévues. Le temps de trouver leurs remplaçantes à un prix décent, j’ai dû courir moins de 20km avec…
Quoi qu’il en soit, d’un mauvais marathon de Caen couru (rampé ?) en 4h40 au printemps, je me suis montré capable de courir un peu plus de 9h et de parcourir 55km et 1500m de d+. Je n’ai donc aucun regret d’avoir échangé mon dossard de la SaintExpress avec Sandra ; là je suis allé au bout de moi-même.
 
Foulée Royale - 9 Juin
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