L'incontournable

Par Muriel Molinier

 

 Je me suis inscrite à ‘l’Incontournable’ avec Anne dans le cadre de notre préparation à la ‘CCC’ fin août.

L’Incontournable doit son nom à la réunion des deux parcours “incontournables” de Pralognan, la montée au Petit Mont Blanc, et la montée au Col de la Vanoise. Vue sur les glaciers, Pralognan, la Vanoise, passage au pied de la Grande Casse, un parcours en zones périphérique et centrale du Parc National de la Vanoise, une occasion certaine de s’en mettre plein la vue !

 

Vu comme ça, ça donne envie.
Le parcours fait quand même 33 km et surtout 2 400m de dénivelé mais je ne me rends pas encore bien compte …

Nous arrivons à Pralognan vendredi en fin d’après midi, la météo s’annonce très bonne pour le lendemain.

Samedi matin, nous décidons de partir en reconnaissance de la première partie de la course, le col de la Vanoise. Nous parcourons environ 13 km et presque 1000m de dénivelé à une allure tranquille, pas question d’avoir des courbatures le lendemain. Le temps est magnifique, le paysage à couper le souffle, j’en profite pour faire des photos, on ne sait jamais, demain, il faudra rester concentrée. J’essaie aussi mes bâtons et le résultat est très positif, ça sera une aide précieuse, à la fois dans les montées mais aussi dans les descentes.

De retour au village, nous allons chercher nos dossards, la pression commence à monter. Il y a un peu plus de 200 inscrits sur la course mais nous constatons que près de 80% des concurrents sont des montagnards et que ces montagnes là sont leur terrain de jeu ! ça promet ! Nous faisons pâle figure avec nos entraînements de côtes en forêt de Marly !!
Je me dis que l’essentiel c’est de participer et de finir, quelque soit la place, mais malgré tout le stress est bien là.

La nuit est courte, difficile de s’endormir et le réveil à 5h30 fait mal ; préparation rapide, petit déjeuner léger et nous nous rendons au départ à pied, le temps est couvert, il y a même quelques petites gouttes de pluie. Ça commence mal ;

Briefing de l’organisation, au vue des conditions météo défavorables, risque de pluie et de vent violent, une barrière horaire est prévue à la fin de la première boucle du col de la Vanoise, il faut finir cette première partie d’environ 15km et 1100 m de dénivelé et être redescendus à Pralognan en moins de 3h15, arrêts aux ravitaillements compris. Pour l’organisateur, pas question de flâner, les conditions ne sont pas très bonnes. Les visages se tendent, le silence se fait parmi les coureurs, ça a jeté un froid.

Bon, ça ne va pas être simple tout ça ! je regarde Anne qui est je crois encore plus stressée que moi, nous nous disons que nous allons au moins essayer de faire cette première partie car les 3h15 prévues nous paraissent très difficile à atteindre.

Le départ est donné, c’est un départ de championnat régional de cross, la meute est lancée dans le village à l’assaut de la piste de ski qui nous mènera à la montée au col par le versant des Arollets. Pas un mètre de plat et une allure folle, après 800 m de course, nous sommes asphyxiées et Anne et moi commençons à marcher, ça double dans tous les sens, c’est de la folie ! Un gros doute s’installe, serons nous capables de tenir ?

ça y est tout le monde s’est mis à marcher, je me concentre sur un rythme régulier de montée, je commence à échanger quelques mots autour de moi et je constate qu’on a tous le stress de ne pas arriver avant la barrière horaire, alors on se motive et en avant ! Je me retourne, Anne est juste derrière, le visage fermé. La montée est difficile, des torrents gorgés d’eau, les pieds ne seront pas au sec longtemps, il faut aussi un peu escalader, franchir des névés et surtout rester concentrée. Je ne m’arrête pas une fois jusqu’en haut, mais c’est même dur de boire en marchant car le souffle est court, on arrive à plus de 2 300m d’altitude.

Lorsque j’arrive en vue du refuge du Col de la Vanoise, je regarde ma montre, 1h45 de course ! Je viens d’avaler 1100 m de dénivelé. Génial et incroyable, maintenant, je me dis que tout est possible, la descente devrait se faire en 1h environ ; la course peut commencer, ça devrait passer pour la barrière horaire.

Anne arrive un peu derrière moi, après un bon ravitaillement, elle repart devant dans la descente, elle court dans le passage du névé ou je préfère assurer en marchant.
Je vais malheureusement la retrouver un peu plus bas au lac des Vaches assise sur un rocher alors qu’elle vient de faire une chute sur son bras qui va la contraindre à abandonner. Son bras est très enflé, nous craignons une fracture. Il n’y a pas de sécurité à cet endroit, il lui faut redescendre au refuge un peu plus bas pour trouver de l’assistance, je l’accompagne un moment dans la descente, mais elle arrive à marcher seule et me demande de continuer ma course, je suis encore dans les temps pour la barrière horaire à Pralognan.
C’est avec beaucoup d’appréhension que je reprends la descente, j’ai du mal à courir, je suis choquée par ce qui vient d’arriver à Anne.
Je me raccroche à un petit groupe et je repars néanmoins. Je sais qu’il y a encore quelques coureurs derrière moi et des randonneurs sur le parcours, et qu’Anne ne sera pas seule.

J’arrive à Pralognan en 2h55, ça l’a fait ! Plus de barrière horaire maintenant, je peux repartir pour la deuxième partie de course, l’ascension du Petit Mont-Blanc qui culmine à plus de 2 600 m, il va falloir grimper à nouveau près de 1 300m de dénivelé.
Je profite d’un bon ravitaillement de montagne, saucisson et beaufort, c’est top ! Et c’est reparti.

Cette deuxième montée dure près de 2h20 sans plat ni descente, autant dire que les jambes sont très très dures à l’arrivée en haut. Je fais quelques pauses photos pour immortaliser le paysage (ça permet surtout de récupérer) et j’ai l’heureuse surprise de retrouver mon mari venu dans la montée pour m’encourager. Le moral est bon, j’ai mis les écouteurs et de la musique, je suis dans ma bulle, concentrée sur mes pas et ma respiration, j’avance, je retrouve d’autres coureurs, nous nous encourageons, on aperçoit le sommet, il y a beaucoup de vent, et c’est encore loin …
Le temps est de nouveau dégagé, finalement nous aurons juste quelques minutes de pluie dans la dernière descente.

A l’arrivée au sommet, un groupe de bénévoles et de supporters nous attendent et ce sont des messages d’encouragements qui nous font chaud au cœur. Maintenant c’est juste de la descente, ça paraît facile comme ça, mais les jambes sont tellement dures que c’est presque impossible de trottiner, il faut se réhabituer quelques minutes, et enfin, ça revient, c’est reparti.

Minutes après minutes, le village se rapproche, les kilomètres défilent enfin un peu plus vite, je me sens des ailes quand je me rends compte que je peux arriver avant 7 heures de course alors que j’avais prévu au mieux 8 heures.

L’arrivée dans le village est très forte en émotion, il y a beaucoup d’encouragements de toutes parts, je vois enfin l’arche d’arrivée, j’ai les larmes aux yeux, je l’ai fait !
Au final : 6h48min, je termine loin dans le classement mais riche d’une énorme expérience.

Anne est là à l’arrivée, elle a juste un bandage au bras, il n’y a pas de fracture, dans quelques jours, elle n’aura plus rien sauf quelques bleus, il faut bien qu’elle compatisse avec mes courbatures …

Vive les côtes de Marly ! Merci Michel pour ton plan de guerrière ! Merci aussi aux copains et copines pour nos entraînements de fou dans la boue !