Marathon de New York

Par Frédéric ESTREM-MONJOUSTE
 
 

Près d’un an et demi que nous étions inscrits, l’attente a été longue, et la préparation a laissé des traces : moi ce fut des contractures (soignée, merci Laurent), mais ce n’est rien à côté de ma femme qui elle a du déclarer forfait, la faute à une fracture de fatigue ressentie 2 semaines avant le marathon… écœurant.

A peine sortis de notre hôtel sur Time Square et l’on ressent que l’ambiance est déjà là : la ville respire marathon. Les sportifs sont visibles partout en ville, qu’ils se promènent ou qu’ils partent faire un footing dans Central Park. Impossible de ne pas capter des conversations en Français à tous les coins de rue (3100 participants français). Nous avons 2 jours à jouer les touristes, à faire en sorte de ne pas trop marcher, et à sélectionner des restaurants Italiens pour notre programme pates.

Le dimanche matin c’est réveil à 5h, pour un départ en bus à 6h. Nous arrivons 30’ après au péage du Verrazano bridge. Il fait beau, pas un seul nuage en vue, et il fait froid. C’est parti pour 3h d’attente avec un seul objectif : ne pas avoir froid.
 
Les sas de départ sont ouverts 40’ avant le départ, tout se déroule sans heurt et l’on se retrouve bien vite sur la ligne de départ. Il fait un temps idéal pour courir : beau, froid, sec et sans vent. Après un discours du maire et l’hymne américain magnifiquement chanté par un pompier new yorkais, le départ est donné, toujours en musique.
 
Ca part très vite, vraiment très vite : le pont monte pendant presque 1 km, je me force à ne pas m’emballer et me laisser doubler, mais je passe au 1er km en 4’30. La traversée du pont est magnifique, impossible de ne pas courir en regardant de tous les côtés. Il fait un temps superbe, la vue est dégagée, sur ma droite, en vol stationnaire et à portée de main, se trouve l’hélicoptère des coast-guards (le gros rouge & blanc, vu à la télé…), et si l’on regarde en l’air on attrape le vertige devant ces immenses piliers.
 
La traversée du pont fait près de 2,5km et nous fait débouler dans Brooklin. Là c’est la première surprise… je m’attendais à ce que ce soit calme pendant quelques kilomètres, mais non, il y a du monde dès la sortie du pont. Et ça ne va presque jamais s’arrêter. La traversée de Brooklin est superbe : de la musique, du monde et des encouragements incessants. Des familles complètes sont là, avec des mômes qui semblent tellement heureux lorsqu’on vient toucher leur main tendue qu’il est impossible de ne pas venir partager cette joie avec eux. Toute cette chaleur et cette proximité font de cette partie de course un moment vraiment émouvant. Un vrai régal …
 
Un peu plus loin le sentiment de chaleur et de proximité avec le public diminue, la faute à des barrières installées, nécessaires vu l’accroissement progressif de la masse de spectateurs. En revanche pas de pause sur le niveau sonore des encouragements, qui continuent non stop. Habitué aux longues introspections en forêt de Marly, ici je ne m’entends plus me concentrer… :o) Il est décidemment difficile de se caler sur un rythme dans ce marathon : entre la foule qui nous porte et me fait inconsciemment changer de rythme (j’accélère sous les encouragements, mais je ralenti parfois pour profiter du spectacle aussi !) et ces faux plats incessants, mon allure fait du yo-yo… tant pis, la promenade est vraiment sympa, et jusqu’au semi je suis toujours en ligne sur mon objectif de 3h.

Au 28eme kilomètre, grosse surprise, et énorme cerise sur le gâteau, je double Wilson Kipketer (triple champion du monde du 800m et le 1er à avoir fait tomber le vieux record du monde de S. Coe), qui lui fait son 1er marathon. Il est passé en 1h30 au semi, comme moi, et manifestement il se prend un coup de bambou… J’ai l’énorme plaisir de le saluer, lui serrer la main, lui toucher 2 mots… Je n’en reviens pas, j’étais coureur de 800m dans ma jeunesse, et jamais j’aurai pensé croiser un jour un tel extra-terrestre, encore moins à cette occasion, encore moins lui exprimer mon admiration.

Le nuage sur lequel cette rencontre m’a mis ne m’a malheureusement pas porté bien longtemps : gros ras le bol au 30eme, mais vraiment un gros ras le bol… D’un coup, je n’ai plus qu’une envie : m’arrêter à une terrasse de café, au soleil, siroter un litre ou deux de Perrier (j’ai super soif) tout en profitant du spectacle de la course…Du coup j’en ai un peu plus mal aux pattes. Ce n’est pas la première fois que je trouve le temps trop long à ce stade de kilométrage et je me dis que c’est pas fait pour moi ces trucs là (il faudra que je m’en souvienne quand je commencerai à regarder à m’inscrire à un trail de 80km ce printemps...). Bref, du soleil il y en a, mais un terrasse de café, y en a pas en vue dans le quartier, encore moins de Perrier. J’essaie donc de m’accrocher à un objectif de 3h10, pour améliorer mon chrono fait à Barcelone en mars. En m’arrêtant quand même à chaque ravitaillement pour boire mon verre d’eau, à défaut d’une terrasse et d’un Perrier…

Dans cet état de motivation extrême le passage dans le Bronx, zone la plus calme du parcours, n’est pas le meilleur moment de la course… mais ça commence à aller mieux en revenant dans Manhattan, avec une dernière ligne droite, longue, très longue, jusque l’entrée de Central Park, mais avec une foule à nouveau présente et qui nous pousse toujours aussi fort. 
 
Les 5 derniers kilomètres se font dans un Central Park totalement survolté, le niveau sonore s’élève encore et l’émotion commence à remonter. Le passage dans le parc est vraiment agréable : il est vallonné, mais comme les quelques virages (des vrais, en courbe, pas comme les quelques angles droits qu’on a eu sur tout le parcours) viennent rompre la monotonie des lignes droites, et redonne un peu de légèreté à des jambes qui en ont vraiment marre aussi. Dernière surprise dans les 800 derniers mètres, je pensais qu’on avait atteint le maximum sonore possible, c’était faux… au niveau de Columbus Circle on rentre à nouveau dans le parc, et brutalement cela devient fou, la sensation de rentrer dans une arène : la route se rétrécit (un peu), les mains des spectateurs se tendent de nouveau, cela crie, ça hurle, la foule nous porte véritablement… allez, quelques mains touchées pour partager encore une dose d’émotion, avaler sans peine la dernière petite montée, celle qui m’avait fait peur en la découvrant la veille, et passer cette ligne tant attendue au bout de 3h12 d’efforts.

Un peu déçu par le chrono, pas toujours amusant tout le long, mais que la balade était belle ! Je garde en mémoire de belles images sur le Verrazano Bridge, la main serrée de Wilson Kipketer, l’arrivée survoltée dans Central Park, et surtout ces gamins dans Brooklin et l’émotion ressentie pendant la traversée de ce quartier… C’était magnifique, allez y vous aussi !
 

 
Foulée Royale - 9 Juin
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