L'UTMB , par Stéphan

 

UTMB 2007 Par Stéphan Gaillard

U-T-M-B, 4 lettres magiques et un rêve qui va devenir réalité lorsque, en compagnie de Christophe, Fred, Jean-François, José, Laurent et Raymond nous prenons la décision de participer à cette épreuve déjà mythique malgré sa jeune existence, tout juste 5 ans cette année.

Je me rappelle encore cette fameuse soirée au pub à Saint-Germain où, tous ensemble, nous avons étudié le calendrier des trails et planifié notre saison en fonction de cet objectif. La décision prise, s’en suit l’étape de l’inscription qui se déroula le 8 janvier de cette année non sans l’avoir préparée par avance au vu des différents éléments obligatoires à fournir. Il fallait faire vite car tout était clos dans la journée. Après avoir reçu le sésame, à savoir la confirmation de l’inscription, commence pour moi la longue phase (6 mois) de préparation et d’entraînement. Au programme de la randonnée avec notamment un trek dans le désert tunisien mais aussi les séances du club du moins au début pour travailler la VMA et surtout les séances de seuil et d’endurance faites en groupe.

Dès le mois d’avril je participe à quelques trails en remplacement des sorties longues du dimanche. Un par mois au début pour finir à un toutes les deux semaines en mai et juin. J’ai effectué tous ces trails en dedans pour ne pas m’user, pour toujours ressentir une certaine facilité dans l’effort et pour récupérer rapidement. Au total 5 trails d’une cinquantaine de km (Vallée de Chevreuse, Ardéchois, Trail des Cerfs, Guerlédan, Trail des Forges). Le seul point négatif dans ma préparation a été le Grand Duc de Chartreuse (76km et 3900m D+) début juillet où j’ai été contraint de m’arrêter à 15km de l’arrivée à cause d’une barrière horaire. Mon moral en prend un petit coup mais j’essaye de ne pas trop y penser et de repartir de l’avant.

Durant le mois de juillet, de grosses séances de côtes pour travailler les cuisses tout en continuant le travail au seuil et les sorties longues jusqu’à 4 heures. Le mois d’août est moins chargé car une certaine fatigue commence à s’installer et j’ai arrêté complètement deux semaines avant le départ pour Chamonix.

L’installation à Chamonix sera impeccable avec un hôtel au bord de l’Arve tout proche du départ. Petite visite de la commune et derniers achats avec notamment deux bidons car j’ai oublié les miens à la maison. Avec une organisation sans faille le contrôle du sac et le retrait du dossard s’est fait aisément. 1974, un numéro qui ne peut que me porter chance !

Le jour J, petit-déjeuner tardif, préparation des différents sacs, petite sieste et massage (merci Anne-Laure) avant de partir déjeuner (des pâtes bien sûr) non sans avoir des nœuds dans l’estomac. Derniers préparatifs et dépose des sacs à l’organisation puis nous rejoignons la place du Triangle de l’Amitié une bonne heure et demi avant le départ. Nous retrouvons tout le monde sauf Christophe et Raymond bien placés vers la ligne. Nous en profitons pour nous détendre en faisant quelques photos et nous écoutons les consignes de C. Poletti, grande organisatrice de l’épreuve.


Chamonix - Saint Gervais (km 20)
 

Ca y est le départ est donné, il est 18h30, et tous ensemble nous traversons Chamonix à un petit rythme et sous un tonnerre d’acclamations, c’est sensationnel. Je me dis alors qu’il faut absolument que je vive la même chose dimanche à l’arrivée. Le parcours jusqu’aux Houches est très roulant et nous courons à vitesse modérée tout en discutant. Nous passerons devant le ravitaillement sans nous arrêter. La montée régulière jusqu’à La Charme (820m D+) se fait facilement d’autant que le chemin est large. J’en profite pour sortir les bâtons avec l’aide de Fred. Ils ne me quitteront plus jusqu’à l’arrivée. Dans la montée je me retourne pour regarder le coucher de soleil rose sur le Mont Blanc, tout simplement magique. Arrivé à la Croix de la Charme je mets la frontale car la nuit tombe et j’attaque seul la descente sur Saint-Gervais (1000m D-) sans prendre aucun risque. Je ne reverrai jamais mes compagnons. Cette descente est usante pour les genoux surtout sur la partie finale bitumée. Contrairement à ce que je pensais, Anne-Laure m’attend à la sortie du village après le ravitaillement. J’ai failli passer à côté sans la voir.


 



Saint Gervais (km 20) - Les Chapieux (km 49)
 

Le parcours jusqu’aux Contamines (500m D+) se fait naturellement et je retrouve Anne-Laure avant de m’arrêter au ravitaillement. Il est 23h30. Après avoir rempli ma poche d’eau et mangé un morceau je repars sans mes bâtons que j’avais posés à l’entrée de la zone. Je refais donc marche arrière et me fraie difficilement un passage au milieu des coureurs pour les retrouver avec soulagement. Que de peur !

Je cours tout du long jusqu’à Notre Dame de la Gorge avant d’attaquer la longue montée vers le Col du Bonhomme (1120m D+). Celle-ci se fait en marchant à un bon rythme jusqu’à La Balme où je prends un bol de soupe ainsi que du saucisson et du fromage. A partir de là je mettrais 1h30 pour franchir le col alors que j’avais estimé le faire en 2h. Je me retourne et admire toute la chaine des frontales dans la nuit, c'est vraiment sympa.

Je savais que ça continuait à monter après le col et je n’ai donc pas été abattu moralement. La descente sur Les Chapieux (880m D-) est beaucoup moins drôle avec un passage extrêmement pentu et glissant de l’avis de tous. J’arrive à cette première base vie dans un excellent état de fraicheur alors qu’il est 4h13 du matin mais je prends quand même le temps suffisant pour me restaurer et me poser un peu.


 



Les Chapieux (km 49) – Courmayeur (km 77)
 

Je fais les 5km de route jusqu’à la Ville des Glaciers en marchant rapidement (6 km/h) et je double de nombreux coureurs. Je commence à ressentir quelques petites faiblesses dans la montée vers le Col de La Seigne (650m D+) mais passer la frontière au lever du soleil me fait beaucoup de bien. Je m’arrête un instant pour lire les nouveaux SMS qui me parviennent à cet instant. Je descends tranquillement et peut-être un peu lentement jusqu’au ravitaillement en dessous du refuge Elisabetta. Je ne cours presque pas sur la longue partie plate du Lac Combal et c’est bien dommage. Au départ de la montée de l’Arrête Mont Favre (460m D+) un panneau indique Courmayeur à 3h50 de marche. Heureusement je ne mettrais que 2h35. La montée est difficile car malgré l’heure matinale il fait déjà chaud. Ce sera le cas sur toute la partie italienne.

J’alterne les bonnes et les mauvaises sensations durant la descente sur Courmayeur (1270m D-) et je me rends compte qu’il est préférable de trottiner plutôt que de marcher, cela fait moins mal aux jambes. J’arrive à Courmayeur à 10h35 où m’attend Anne-Laure. Ensemble nous récupérons mon sac préparé à Chamonix. Je me change et elle en profite pour remplir ma poche d’eau et mes bidons en eau gazeuse et boisson énergétique. Je lui fais part de ces quelques premières heures et de la nuit passée.

Je m’en vais ensuite me restaurer et comble de malchance il n’y a plus de pâtes, on est pourtant en Italie. J’attends 5 bonnes minutes avant de voir arriver la gamelle et au final je n’arriverai pas à les manger. Je pars m’asseoir à une table avec un bol de soupe, du saucisson, du fromage et un gâteau de riz. Avant de ressortir de l’enceinte je regarde s’il y a du monde au niveau des tables de massage et décide d’y aller. Je suis pris en main par deux jeunes étudiantes qui me confirment que mes mollets sont durs. Elles parviennent à les soulager et c’est avec des jambes presque neuves que je repars de là.

A la sortie je retrouve Anne-Laure et lui dis qu’il serait mieux qu’elle me retrouve non pas à Champex comme prévu initialement mais à La Fouly car je pense y être en début de soirée. Cela va l’obliger à faire le trajet en voiture car le bus de l’organisation ne va pas jusque là.


 



Courmayeur (km 77) - La Fouly (km 107)
 

Je pars de Courmayeur il est 12h. J’ai vraiment passé beaucoup de temps ici mais cela en valait la peine. La montée sous le soleil vers le refuge Bertone (810m D+) est pénible et les deux espagnols qui m’accompagnent ne cessent de discuter ; je ne sais pas comment ils font. Le ravitaillement me fait du bien et j’y reste un long moment. Le paysage en allant vers le refuge Bonatti est magnifique mais il fait beaucoup trop chaud pour moi et je n’arrive pas à avancer comme je voudrais : je marche bien trop souvent. Je prends à nouveau mon temps au ravitaillement et je commence à avoir des doutes pour la suite. La plongée vers Arnuva se fait tout doucement et mes jambes sont douloureuses mais, je ne sais pas pourquoi, en apercevant au loin la tente de l’organisation je retrouve des jambes de coureur et un bon rythme. C’est avec délectation que je me ravitaille avec de l’excellent jambon italien. Je retrouve ici en tant que bénévole la femme d’un coureur logée au même hôtel que nous et qui me dit « ce n’est pas la peine de revenir à l’hôtel si tu ne termines pas ». Merci pour les encouragements. L’ascension (redoutée de tous) du Grand Col Ferret (2km et 770m D+), point culminant du parcours avec ses 2537m, ne pose finalement pas de problème et je l’avale aisément en 1h25. Je m’étonne de courir lors de la descente sur La Peule mais me joignant à un petit groupe de trois coureurs nous avalons ces kilomètres ainsi que de nombreux coureurs à vive allure. Cette fois-ci je prends peu de temps au ravitaillement, juste une soupe et continue ma descente sur La Fouly. Cette partie étant beaucoup plus technique je vais beaucoup moins vite mais je retrouve un bon rythme sur la fin.

Il est 19h50 lorsque j’arrive à La Fouly et Anne-Laure ne me voit pas car elle est en train de discuter avec un bénévole sur mes derniers pointages. Elle m’annonce que Christophe et Raymond viennent d’arriver à Champex, ils ont 3 heures d’avance sur moi, normal. Je ressens aussi une forte douleur dans le dos due au frottement du sac. Au final il s’agira d’une véritable brûlure. Je ne reste qu’un quart d’heure, temps suffisant pour me restaurer un peu, changer de chaussures et mettre une tenue plus chaude pour la nuit.


 



La Fouly (km 107) – Vallorcine (km 147)
 

La fin de la descente jusqu’à Issert se passe bien. Je la fais avec un pompier, finisher en 2006 en 41h50. Par contre la montée sur Champex est beaucoup moins drôle, on est en pleine forêt et on n’aperçoit les lumières de la ville qu’au tout dernier moment. Cette montée dans les bois m’a paru interminable. Il est 23h10 lorsque je récupère mon sac. Je pars tout de suite me restaurer sous une tente surchauffée. Je mange bien mais toujours pas de pâtes. Je décide de refaire mon sac à l’extérieur : je fais le plein de toutes les réserves liquides, je me change et en allant reposer mon sac je constate que mes jambes me font mal. Ma pause dans cette dernière base vie aura duré 50min. J’apprendrai bien plus tard que Laurent me dépassera durant cet arrêt.

Je savais que j’allais attaquer un gros morceau : la montée sur Bovine (650m D+). Je ne pensais pas que ça allait être aussi difficile. On doit régulièrement se servir de ses mains pour s’aider à monter ces amas de blocs de granit empilés en vrac sur plus de 3 km avec 1,5 km à 30% et un passage hyper délicat au franchissement d’un torrent. Durant toute l’ascension je ressens d’importantes douleurs dans les épaules et les bras mais je ne veux pas m’arrêter de peur de ne pas pouvoir repartir. Nous sommes tous en file indienne et je m’efforce de tenir ma position. J’ai aussi la très mauvaise sensation d’avoir les lèvres sèches et je n’arrête pas de m’hydrater toutes les deux minutes. Malgré la casquette, le soleil aura eu raison de moi sur toute la partie italienne. Tout ceci durera deux bonnes heures. J’attaque la descente soulagé d’en avoir terminé avec Bovine et au point de contrôle, un bénévole m’annonce 1h30 pour parcourir les 6km jusqu’à Trient (760m D-). Malheureusement avec plus de 32h de course derrière moi, un sentier trop technique, de nombreuses racines et une vision limitée, je n’avance pas beaucoup plus vite que dans la montée et sur la dernière partie très pentue je souffre à chaque pas. Je mets quasiment 2h.

L’arrivée à Trient est chaleureuse et j’en oublie presque toutes mes douleurs. Je prends le temps de me restaurer et j’en profite pour demander ma position. On m’annonce 881ème, c’est une bonne nouvelle. Je décide de prendre un café pour me donner un peu de peps.

Je me lance dans la dernière difficulté, la montée vers le chalet des Tseppes (630m D+). J’attaque tranquillement la difficulté derrière un groupe de coureurs et au passage d’un carrefour je me décide à emboiter le pas à deux d’entre eux qui accélèrent. Nous faisons la montée à trois et je vois s’éloigner derrière nous nos compagnons dans la nuit. La fin sera interminable malgré le lever du jour car nous ne voyons pas apparaître le chalet. Le point de contrôle est dans la descente, à mon avis à la frontière franco-suisse. Il est 6h45 et j’appelle Anne-Laure pour lui dire que je serai à Vallorcine vers 8h. Elle était déjà sur le point de prendre la voiture car elle avait fait de savants calculs durant la nuit avec les précédents points de contrôle.

Mes jambes me rappellent à l’ordre sur cette courte descente (2km et 800m D-) et je souffre énormément d’autant plus que le chemin est bien gras. Je retrouve Anne-Laure qui est venue à ma rencontre et, oh miracle, mes douleurs s’estompent. C’est l’heure du petit-déjeuner lorsque j’arrive au ravitaillement de Vallorcine (8h07) et je décide de tout faire pour arriver avant midi à Chamonix. D’après le road-book les 16 derniers km ne sont qu’une formalité au vu des 147 déjà effectués et, au dire de tout le monde, il n’y a plus de difficulté. Un coureur attablé non loin de là me conseille de ne pas trop tarder. Je dis à Anne-Laure qu’on se retrouve à Argentière.



 



Vallorcine (km 147) – Chamonix (km 163)
 

Il est 8h14 lorsque je repars et j’essaye de courir. Je suis surpris de constater que mes jambes réagissent bien. Le long de la voie ferrée je passe un point de contrôle, point de contrôle non précisé par l’organisation et mis là pour éviter d’éventuels fraudeurs sur cette fin de parcours. Il y en aura un autre un peu plus loin. Je ne comprends pas comment on peut avoir l’idée de tricher !

Il y a de nombreux photographes officiels sur cette portion et j’avale le Col des Montets sans m’en rendre compte. Je ralentis un peu sur la descente et me retrouve à Argentière, il est 9h21. Je discute un moment avec Anne-Laure et des amis suisses qui sont là aussi. Je ne repars que 10 min plus tard tout en disant à Anne-Laure que je serai à Chamonix avant midi, pour l’apéro. J’estimais le temps nécessaire pour faire ces 10 derniers km à 2h-2h30, il me faudra finalement moins de 2h.

Ces derniers km ne sont pas si roulants que ça et je suis obligé de beaucoup marcher, heureusement rapidement. A deux km de l’arrivée je retrouve Anne-Laure et nous faisons la fin du parcours ensemble en alternant marche course et en bavardant.

En entrant dans Chamonix la foule se fait de plus en plus présente. Je reçois alors un appel téléphonique de Laurent qui me demande si je suis arrivé. Je lui dis qu’il faudra attendre encore un peu le temps que je fasse les quelques centaines de mètres qui me séparent de la ligne d’arrivée. Ceux-ci se font avec une émotion intense et sur la dernière ligne droite j’ai l’impression de croiser tous les regards des spectateurs massés derrière les barrières.

Tout en continuant de courir je lève le bras bien haut avec les bâtons et franchit la ligne à 11h26mn10s.

L’émotion est très forte et je me dis : « ça y est je l’ai fait ! ».

J’en oublie même d’écouter le speaker annoncer mon classement final. Anne-Laure sera obligée d’aller le demander au point info : 852ème. Je récupère mon lot finisher et je profite au maximum de l’ambiance magique qui règne dans cette zone d’arrivée mais aussi et surtout de ces moments intenses que l’on peut vivre après de tels efforts.

Je ne me restaure que très peu car je n’ai pas d’appétit, je déguste avec bonheur une bière ma foi bien fraiche puis je m’en vais me faire masser pour encore faciliter la récupération musculaire. De retour à l’hôtel, après une bonne douche très appréciée, je me suis allongé et le sommeil a eu raison de moi.

Je remercie toutes celles et ceux (amis et famille) qui durant ces deux jours m’ont suivi à distance sur Internet en m’envoyant de nombreux SMS (une cinquantaine !). Mais surtout merci à toi Anne-Laure de m’avoir soutenu depuis le début et d’avoir parcouru tant de kilomètres pour être là sur le parcours.

Pour une première participation à un ultra, le choix de l’UTMB était peut-être un peu risqué au vu de la difficulté de l’épreuve mais poussé par le groupe, pourquoi pas ? Mon seul objectif était, bien entendu, de boucler la boucle mais terminer en moins de 41h est une grande satisfaction.

A quand ma prochaine participation ?

 
Foulée Royale - 9 Juin
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