Le Trail Napoléon


 

 


Allongé sur la plage Marinella, si chère à Tino, le nez dans ma serviette de bain, impassible aux rayons brûlants du soleil qui m’attaquent cruellement le dos, je repasse dans ma tête le film de ma course terminée il y a seulement deux heures. Un sentiment mitigé m’envahit. Quelque chose est venu sournoisement gâcher la fête. Pour l’instant, il me faut vite faire quelque chose sinon je vais griller sur place. Je me décide d’aller piquer une tête pour me rafraîchir le corps et les idées. Muriel, venue tout spécialement en Corse pour participer à ce 9ème Trail Napoléon, fait probablement, elle aussi, le bilan de sa course. Bilan à mon sens très positif car elle peut, contrairement à moi, tirer une grande satisfaction de sa prestation. Sa mine me dit qu’elle en a conscience et je ravale ma contrariété. Je suis content pour elle, mais je dois néanmoins m’efforcer de montrer une bonne figure en me concentrant sur les points positifs pour ne pas gâcher son plaisir. Heureusement des points positifs il y en a plus qu’il n’en faut pour noyer ma déception.

Lors de nos sorties en reconnaissance du parcours, nous avions, ces deux derniers jours, fixé des objectifs raisonnables et largement réalisables tournant autour des trois heures. Les grandes difficultés du terrain avaient été visitées et analysées. Ici nous pourrons courir et là nous marcherons pour ne pas nous mettre dans le rouge disions-nous. C’est ce qu’a fait Muriel. Moi j’ai dû marcher et même m’arrêter un peu plus que je ne l’avais prévu. Résultat, je suis parvenu sur la ligne d’arrivée presque un quart d’heure après ma coéquipière qui, inquiète, m’attendait pour immortaliser dans son Lumix mon finish à l’allure décidée, comme ils disaient dans le micro.

Très décontractés au départ sur la place du Casone, le coup d’envoi tiré par la Garde Impériale nous a surpris et comme des automates nous nous sommes mis à courir avec la foule. La petite portion de route pour atteindre l’entrée du Bois des Anglais ayant permis la dispersion nous abordons l’étroit sentier des Crêtes plus ou moins en file indienne. Après quelques lacets et un raidillon, nous progressons maintenant en courbe de niveau sur un parcours roulant. Muriel en profite pour se refaire une santé car elle a un peu souffert dans la montée. À ce moment, je me sens parfaitement à l’aise et je suis même un peu excité. Une nouvelle montée va ralentir les allures et nous amener tranquillement, trempés de sueur car il fait très chaud, au premier ravitaillement où nous trouvons à boire et à manger mais aussi, comme à tous les ravitos et à tous les postes de contrôle du parcours, un accueil et des prévenances sans égal. Peu de temps après avoir quitté le poste, des douleurs à l’abdomen me forcent à ralentir. J’ai le ventre glacé. Je vois Muriel complètement requinquée s’éloigner inexorablement.

Mon excitation est complètement tombée et j’ai le moral au plus bas. J’avance au mieux en acceptant la gène. Une accalmie me permet une petite accélération et de rattraper Muriel, qui se promène avec un petit groupe, juste avant une grande descente qui nous emmène au poste de ravitaillement de Vignlola, près de la mer. À ce moment, le terrain est scabreux et j’ai pu amortir la chute d’une coureuse tombant lourdement devant moi dans les broussailles et les pierrailles. Par la suite nous avons appris que c’était une connaissance. Requinqué à mon tour, je double le groupe et me lance à fond dans un exercice de descente que j’adore mais que mon genou m’interdisait depuis deux ans. Ce genou, objet de mon inquiétude d’avant course, ne s’est heureusement pas manifesté. L’absence de douleur me permet une descente rapide d’une dizaine de minutes pour parvenir au poste ravito. Je fais le plein de mon camelbak et m’avise de vouloir manger une figue qui me faisait envie. Un haut-le-cœur me fit recracher instantanément le fruit convoité et je sens, consterné, les douleurs au ventre réapparaître. Je suis en pleine crise gastrique.

Muriel arrive fraîche comme une rose, survole la table et se dirige rapidement dans la portion surnommée le mur à cause de son profil plutôt vertical. Je tente de la suivre, mais elle disparaît vite et je ne la verrais plus qu’à l’arrivée. J’ai de plus en plus mal au ventre et je manque totalement d’énergie pour avancer. Je monte très lentement et tout au long de ce calvaire je trouve des coureurs affalés sur les rochers cherchant leur souffle. En haut du mur un homme et une femme, postés là pour nous indiquer le passage, eurent deux mots en corse sur mon état. Ayant entendu et compris je les ai rassurés en leur disant, dans la même langue, que j’allais me remettre dans la partie plate qui allait suivre. Sur cette portion, j’ai rencontré mon ami Walter en poste d’observation qui venait de transporter, aidé d’un autre bénévole, un coureur à demi inconscient jusqu’au col routier de Bocca Canareccia. À ce propos, j’ai vu, tout au long de la course, plusieurs blessés légers attendant morfondus les secours. Après ce col, qui est un poste de ravitaillement sauvage, je suis contraint à m’isoler par deux fois dans le maquis pour deux pauses qui m’ont coûté beaucoup de temps. Sans jambes, je reprends ma route vers le poste ravitaillement de Petit Capo. Un passage plutôt facile gâché par un fort dégoût de gel dont j’avais fait usage depuis le début de la course. Peut-être à trop fortes doses mal tolérées par mon estomac que je sens ballonné. Je me reprends peu à peu dans le sentier douanier qui mène à la délivrance et que je connais parfaitement. La vue de la tour des Sanguinaires et les encouragements des promeneurs me poussent à courir et j’oublie ainsi un peu mes misères. Les clameurs de l’arrivée me font l’effet d’un baume et la vue de Muriel derrière la ligne d’arrivée me ramène enfin à la vie.

Les temps et classements

Sur 374 coureurs inscrits 282 seulement terminent la course et sont classés
Muriel termine 197ème au scratch en 3:10:06 et 10ème V1F
Jean-Baptiste termine 230ème au scratch en 3:24:06 et 1er V4M

L’analyse

Malgré un début difficile, Muriel s’est littéralement promenée sur cette course où elle a pris beaucoup de plaisir, contemplé le paysage et même fait des photos. Partant avec un esprit de compétition elle est, théoriquement, largement en dessous des trois heures.
Pour ma part, parti pour faire trois heures, temps qui ne me paraît pas insurmontable, j’ai, je pense, fait une intolérance au glucose qui m’a occasionné des problèmes gastriques invalidants. De plus ma descente d’enfer au moment où je me sentais mieux et où j’ai pris beaucoup de plaisir à dû me pomper beaucoup d’énergie. Rien n’est gratuit en ce bas monde.
Avec un peu plus de sérieux et un peu de chance l’an prochain je repars pour trois heures.

L’avenir

Mardi matin nous nous sommes lancés, avec Muriel, à faire le circuit à l’envers. Un peu plus d’une heure aller et retour pour évacuer les restants de toxines mais surtout pour prendre rendez-vous en faisant une première reconnaissance du parcours du trail Napoléon qui, pour son10ème anniversaire l’an prochain, sera inversé pour une arrivée triomphale et festive en pleine ville d’Ajaccio.

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Par Jean-Baptiste Cipriani
 
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