France de Trail, par Eric

 

Championnats de France de Trail Court, par Eric Chenailler

 

 

Déjà mes 3eme championnats de France de trail court (enfin court c’est la dénomination officielle, parce que pour moi c’est une distance vraiment longue) !!!

Les 2 premiers championnats, qui correspondaient aussi à mes 2 premiers trails courus en mode compétition, m’ont permis de beaucoup apprendre sur la façon d’aborder ce type de course. Et notamment sur le fait que mon problème numéro 1, c’est le ravitaillement, mon problème numéro 2, c’est la gestion de l’effort, et mon problème numéro 3, c’est les descentes raides et caillouteuses.

Pour mon premier championnat à Buis les baronnies, j’avais eu la malheureuse « bonne idée » de boire un gobelet entier de 20 cl de boisson d’effort au ravitaillement proposé par l’organisation à mi-course, qui m’était resté sur l’estomac et m’avait empêché de me ravitailler par la suite. Résultat : 0,5 l bu uniquement sur la première partie de la course d’une durée totale de 2h06 sous une forte chaleur, qui s’était traduit  par 4 derniers kilomètres interminables et au ralenti.

L’an dernier, j’avais donc adapté mon entrainement en me ravitaillant systématiquement sur les sorties longues et les séances de fractionné à allure de course (ce que je n’avais pas fait la première année), et en emportant ma propre boisson d’effort pour la compétition. J’avais aussi décidé de ne boire que très peu, 2 petites gorgées toutes les 15mn, pour que la digestion puisse se faire plus facilement. Résultat : 0,7 l bu en 3h50 de course, avec là aussi l’impossibilité de me ravitailler sur la dernière heure car plus rien ne passait au niveau de l’estomac. En plus j’avais tendance à allonger le délai de 15 mn car je n’arrivais jamais à me rappeler l’heure à laquelle j’avais pris mon dernier ravito. Et là, ce sont les 6 derniers km qui ont été très difficiles, avec une hypoglycémie à 4 km de l’arrivée alors que j’étais en tête de la catégorie vétéran 2 à ce moment-là. Et finalement, je terminerai 4eme, avec le 3eme V2 qui me double à 300m de la ligne sans que je ne puisse rien faire.

Donc pour cette année j’avais décidé de me forcer à boire plus à l’entrainement et à tester jusqu’où je pouvais aller. Et en fait sur les sorties longues j’ai rapidement réussi à me ravitailler correctement sur toute la durée de la sortie, à raison de 2 grosses gorgées toutes les 10 mn et environ 0,5 l par heure. J’étais un peu plus limite sur la fin des séances de fractionné à allure de course mais ça passait aussi. J’utilisais également les temps intermédiaires sur ma montre pour être sûr de bien me ravitailler toutes les 10 mn à peu près.

Et pour la première fois en compétition j’ai réussi à me ravitailler correctement : 1,4 l en 3h16 de course, 2 gorgées toutes les 10/12 mn, avec une réduction de la taille des gorgées seulement sur les 45 dernières minutes pour que je puisse continuer à les digérer. Heureusement que tout s’est bien passé de ce point de vue-là, car la température était de 22° au départ et de 28° à l’arrivée.

Deuxième problème : la gestion de l’effort. Sur ma distance de prédilection, le 10 km route, c’est facile : il suffit de suivre ses sensations pour courir à allure régulière, on est vite dans le haut de la zone orange et on tangente de plus en plus la zone rouge pour entrer dedans vers le 8eme km. Il suffit juste de ne pas se fixer d’objectif chronométrique car là on risque d’entrer dans la zone rouge trop vite. Sur un trail c’est impossible de se fier aux sensations car même en partant trop vite on reste parfaitement à l’aise sur la première moitié de course et on ne sait pas trop où on en est. Je m’en suis rendu compte l’an dernier en analysant ma courbe de FC après course : j’ai fait la première montée à 150/152 pulsations (pour une FCM de 166), parfaitement à l’aise, et ensuite ma FC n’a cessé de descendre tout au long de la course (ainsi que d’ailleurs ma place dans la course). Cette année j’avais donc décidé de faire mes entrainements à allure de compétition à 145 pulsations +- 3 pulsations, et de faire de même en course. Et j’ai eu une FC beaucoup plus stable, avec une FC moyenne sur la course de 143. Mais la chaleur a probablement eu aussi un impact sur le maintien d’une FC haute sur toute la course (l’an dernier il faisait plus frais).

Troisième problème : les descentes raides et caillouteuses, autant à Buis les baronnies qu’au Mont Dore, je perdais environ 30m par tranche de 100m sur les meilleurs descendeurs autour de moi, alors que j’avais pourtant l’impression d’être à bloc et de prendre des risques totalement inconsidérés. Cette année j’avais donc décidé de faire mes séances à allure de course en terrain vallonné uniquement (alors que l’an dernier je faisais une séance sur deux sur terrain plat) et de rester en allure de course en descente (alors que je ralentissais un peu l’an dernier). Mais j’ai quand même évité les terrains caillouteux pour ne pas me faire une entorse durant la préparation, sachant qu’elle était déjà extrêmement courte (début le 10 juillet). J’ai aussi profité des vacances pour aller faire des sorties longues dans des cotes un peu plus longues qu’au Parc de Marly, quitte à faire 2h30 de voiture aller/retour pour trouver des terrains intéressants (en l’occurrence la montée de la Rhune dans les Pyrénées : deux allers/retours enchainés de 80m à 900m d’altitude pour 20 km et 3h15 d’entrainement), ce que je n’avais pas fait l’an dernier. Et là le résultat n’est pas vraiment concluant : dans la première descente j’ai encore perdu environ 30m par tranche de 100m sur les meilleurs descendeurs. En fait j’ai une fréquence correcte mais je fais de tout petits pas par rapport aux autres, probablement parce que j’ai peur de l’entorse. Toutefois, sur la 2eme descente, quand la fatigue musculaire commençait à bien se faire sentir, la différence d’allure était bien moins importante.

Toutes ces améliorations que j’ai essayé d’apporter à l’entrainement et en course avaient pour objectif de faire un podium aux France dans ma catégorie Master 2, après avoir terminé 5eme en 2014 et 4eme en 2015.

Mais en consultant la liste des engagés dans ma catégorie j’ai tout de suite vu que la concurrence serait plus rude qu’elle ne l’avait été l’an dernier. Une douzaine de coureurs pouvaient prétendre au podium : 4 coureurs qui avaient déjà fait un podium aux France de trail au cours des deux dernières années, 1 coureur en moins de 35’ sur 10 km, un coureur 22eme au France de cross 2016, un coureur en 1h18 sur semi, plusieurs coureurs en 36’ sur 10 km, et enfin 1 coureur qui n’avait que des références trail mais très bien classé par rapport à d’autres coureurs dont je connais le niveau.

 Toutefois j’ai décidé de faire ma course sans tenir compte de la concurrence, afin d’éviter de partir trop vite.

Sur les deux premiers km il était possible de doubler sans difficulté du fait de la largeur de la route et du chemin. Mais ensuite c’était une monotrace d’environ 4 km dans une pente très raide. La tentation était donc forte de partir vite pour être bien placé au départ de la monotrace. Mais j’ai considéré que partir vite dans la première montée était le meilleur moyen d’exploser dans la dernière descente, donc je suis parti sur un rythme correct sans plus, en vérifiant au cardio que je restais bien dans une fourchette 140/145 pulsations, passées les premières minutes de course. J’étais  en 171eme position au départ de la monotrace selon le suivi live de l’organisation. Et finalement il était quand même possible de doubler dans cette zone quand le besoin s’en faisait sentir (je m’étais fixé comme objectif de ne pas descendre sous les 140 pulsations). Et première surprise, au bout de 5 km de course environ, je rattrape le 2eme M2 des championnats de France 2015. Je continue sur mon rythme sans vraiment en tirer de conclusion car il est beaucoup trop tôt pour le faire.

Vers le 7eme km la première montée se termine, je suis vraiment à l’aise, avec l’impression d’être dans le bon rythme. Maintenant, la descente INFERNALE commence. Je peste, c’est raide et plein de gros cailloux instables, je vais trop vite, je risque l’entorse à tout instant, et pourtant tout le monde me double à toute blinde, y compris un M2 que je ne connais pas (les masters ont un dossard dans le dos indiquant leur catégorie, donc M2 pour les masters 2).

On arrive au premier ravito au 9eme km, sur une petite portion de route, je perds un peu de temps pour trouver les bouteilles d’eau (en fait les premières tables, bien en évidence, sont réservées aux coureurs des championnats de France qui ont préparés leur ravito à l’avance et qui l’ont fait déposer par un accompagnateur, ce qui n’est pas mon cas). Il faut continuer un peu et sortir un peu du tracé pour arriver aux tables avec de l’eau. Les bouteilles ne sont pas ouvertes, j’en ouvre une, je verse l’eau dans ma flasque et là PSCHITTT tout ressort en bouillonnant. C’est de l’eau gazeuse et j’avais ma poudre d’effort dans la flasque (j’étais parti avec 2 flasques de 50cl rempli d’eau et de poudre, et 2 flasques de 32cl rempli uniquement de poudre). Finalement je trouve de l’eau normale un peu à l’écart dans des bidons de 5l et je finis de remplir ma flasque. Au final j’estime que je dois perdre environ 45 secondes à cause de ces problèmes. Je suis énervé et ma digestion s’en ressent.

A ce moment-là, je suis en 85eme position selon le suivi live de l’organisation, 59’19 pour 9 km de course, dont environ 6,5 km de montée pour 750 m de D+, et 200 m de D-.

Entre ce 1er ravitaillement au km 9 et le second au km 21,4, on entre vraiment dans la partie la plus belle du parcours, de profondes forêts à la fraicheur réconfortante, des points de vue sublimes sur les vallées. Et c’est là qu’on regrette d’être dans une compétition car on ne peut que jeter des regards furtifs tellement le sol est piégeux. Sur tous mes championnats de France de trail c’est un vrai regret car à chaque fois il y a des paysages somptueux dont on ne profite pas vraiment.

Cette année j’avais reconnu un peu le parcours la veille, j’avais marché sur les 3 derniers km du parcours, et j’avais reconnu tous les points accessibles en voiture (le départ et autour des ravitos, au km 9 et au km 21), mais ce ne sont pas les plus beaux endroits. En fait il faudrait revenir le lendemain en marche de récupération sur les plus belles parties (à étudier pour l’an prochain, j’en profite pour annoncer qu’ils auront lieu à Gérardmer le 17/09/2017).

Passé cette première descente, on entame le plat de résistance, enfin la montée en résistance : à nouveau 750 m de D+ en 6,5 km. Je rattrape un à un tous les coureurs qui m’ont doublé dans la descente et au ravito.

Arrivé au 2/3 de la montée, vers le 17eme km, j’ai la surprise de doubler un M2 qui à mon avis était quasi-certain de faire un podium (moins de 35’ sur 10 km et qui doit disputer le TTN car c’est sa 4eme course dans ce challenge). Je suis toujours à l’aise, j’ai fait toute la montée à 145 pulsations +- 3 pulsations, et à ce moment je me dis que je suis en train d’assurer un podium.

On arrive au 18eme km au point culminant de la course, le Caire gros, à 2 087 m d’altitude. Je passe en 69eme position selon le suivi live de l’organisation, en 2h06’09 avec 1514 m de D+ et 377m de D-.

Et l’horreur recommence : une descente tout droit dans une pente raide comme une piste noire et sans aucun chemin. Et ça descend, ça descend, ça descend, que sur des chemins impraticables avec plein de racines et de cailloux, 700m de D- en 5 km. Quelques concurrents me redoublent mais le différentiel de vitesse est maintenant moindre que dans la première descente et ça me rassure. J’arrive même à rattraper deux autres concurrents dans la descente !!! Ma FC baisse à peine dans cette partie, ce qui m’étonne, je reste autour de 138/142.

On arrive au 2eme ravitaillement au km 21,4 et je m’emmêle encore les pinceaux. Au lieu de remplir d’eau ma dernière flasque de 32 cl remplie de poudre, je remplis celle de 50 cl qui est vide. Quand je m’en aperçois je m’arrête pour transférer l’eau dans la bonne flasque. En buvant, je m’aperçois que cette flasque est beaucoup trop dosée en poudre. En fait j’avais des dosettes individuelles pour 50 cl d’eau. Comme la flasque ne faisait que 32 cl je n’avais mis qu’une partie de la dosette sans mesurer précisément et en fait j’avais mis trop de poudre. Jusqu’à l’arrivée je boirais donc une gorgée dans ma flasque de 32 cl et une gorgée dans ma flasque de 50 cl qui ne contient que de l’eau. Mais avec toutes ces manipulations à un moment j’ai fait tomber une flasque sans m’en rendre compte et c’est un coureur derrière moi qui a crié pour me prévenir, j’ai fait un demi-tour pour aller la récupérer, environ 100m de perdu en tout. J’ai encore perdu 45 secondes à 1 mn dans cet épisode.

La descente continue, tout se passe bien, je perds toujours un peu de temps dans les parties pierreuses mais maintenant il y a aussi quelques parties sur route et là j’arrive à regagner le temps perdu. Je jette de temps en temps un regard en arrière, le M2 qui m’avait doublé à toute blinde dans la première descente et que j’avais redoublé dans le début de la 2eme montée est toujours resté assez proche de moi, entre 30 secondes et 1 minute. A ce moment je me dis qu’il est probable que nous sommes en train de jouer une place sur le podium et je continue à faire régulièrement attention à lui.

On est maintenant vers le 27eme km, sur une zone un peu plus plate, et je rattrape un autre M2, que je ne connais pas et qui est en train de marcher. Je suis un peu dans l’expectative car je me demande combien il peut y avoir encore de M2 devant.

La très longue descente qui maintenant se termine a eu un gros impact et je commence à ressentir une grande fatigue musculaire. Et je sais ce qui nous attend encore car on arrive dans la partie que j’ai reconnu hier : une petite montée de 75 m de D+ sur environ 1 km, qui n’a l’air de rien, mais à ce moment de la course elle est terrible. Jusqu’à présent, j’avais toujours gagné des places mais maintenant je plafonne, je ne perds pas de place mais j’ai du mal à maintenir l’écart avec les coureurs devant. Il reste moins de 2 km, je souffre mais je suis content car j’ai bien géré mon effort, je suis dans le dur mais je n’explose pas complètement.

S’ensuit un faux plat montant sur route de 400m et là je sens la crampe qui arrive, je me mets à marcher rapidement, je regarde mon cardio, je suis à 148 alors que je marche sur du faux-plat !!! Un coureur me double et me prends 15 m. Le M2 qui m’avait doublé dans la première descente est toujours derrière moi. On arrive dans une nouvelle descente, la marche m’a fait du bien, je redouble le coureur, qui m’encourage car il a vu lui aussi que j’étais à la bagarre avec le M2 derrière.

Mais je sais qu’il y encore la dernière montée dans Saint-Martin de Vésubie, avec 25 m de D+ sur 400 m, et celle-là va être horrible. Il faut que je donne tout sur ce dernier 400m, je m’arrache littéralement, j’essaie de courir au maximum, je ne me retourne plus, je ne vois plus rien autour, je n’entends plus rien, la souffrance est totale, mais je sais que ce dernier effort sera court. La ligne d’arrivée est une vraie délivrance.

Je termine 61eme en 3h16’57 pour 30 km et 1800m de D+, avec une FC à 160 sur la ligne d’arrivée.

Quelques minutes plus tard je me dirige vers le ravito et je vois un M2. Je lui demande s’il connait sa place et quel est son chrono, il me dit 1er en 3h01. Il est arrivé 15 mn avant moi, je me dis que c’est rapé pour le podium, même si j’ai encore un petit espoir.

A la publication des résultats, je m’aperçois que je suis 5eme, le 4eme est 40 secondes devant moi et le 3eme à 56 secondes. En fait le groupe que je voyais devant moi sur la fin de course était le groupe avec les M2 qui jouaient la 3eme place du podium et je ne le savais pas. Le 6eme M2 termine finalement 40 secondes derrière moi. A ce moment-là je m’en suis vraiment voulu de mes cafouillages aux ravitos. J’ai déjà bien identifié un axe d’amélioration pour l’an prochain.

Sinon les 1er et 2eme des France de trail 2015 terminent à la 10 et 12eme place, le 1er des France de trail 2014 est champion de France 2016 et le 3eme des France 2014 est 7eme. Le 2eme des France 2016 est le coureur qui n’avait que des références en trail mais que j’avais identifié comme pouvant jouer un podium et le 3eme a terminé 22eme aux France de cross.

 

Je reviendrai l’an prochain avec la même ambition et aussi parce que tous les championnats de France se sont toujours couru dans de magnifiques paysages.

 
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