80km du Mont Blanc

Par Pascale Ebner
 
Tout a commencé au trail des Aiguilles Rouges où  François Mignon a gagné son bulletin d’inscription pour cette nouvelle course du Mont-Blanc : 80km et 6000m de D+. Il n’en fallait pas plus pour que la troupe des Tontons Trailers et des Trailers « canal historique » décident de se lancer dans l’aventure… en m’entraînant dans leur sillage !
 
Heureusement, je ne serai pas totalement la seule féminine de la troupe puisque Muriel, Anne et Pascale Antonus sont inscrites aux autres courses (marathon ou cross), tout comme Pierre-Yves et Anders. Arrivées dès le mercredi à Chamonix, nous commençons par une petite balade de 1000m de dénivelé pour nous mettre en jambes et admirer la Mer de glace depuis le Montenvers. Inutile de préciser que l’angoisse m’étreint depuis déjà plusieurs jours et les choses ne vont pas en s’améliorant. Ce sera une grande première pour moi, et finir de nuit me semble difficile.
 
Mais plus question de reculer, la neige encore exceptionnellement présente à basse altitude (2200m) ayant juste obligé les organisateurs à modifier un peu le tracé, mais pas à l’annuler ! Donc, vendredi matin, réveil à 2H45, pour rejoindre Anders qui a proposé de m’emmener au départ en voiture (à 3km de l’hôtel). Je lui en suis vraiment reconnaissante.
 
Je suis évidemment en avance, il ne fait pas très chaud, et j’attends avec impatience le reste de la troupe, car je me sens bien seule… Ouf ! J’aperçois Marie-Christine : François et les autres ne doivent pas être loin. En effet, ils sont tous là : Jérôme, Stéphane, Dominique, Sylvain, François, Frankie puis José, et les 2 Laurent. Le briefing ne me rassure pas : il fait froid là-haut (températures ressenties négatives), il va falloir traverser des névés, il y a du brouillard, … heureusement, il est prévu des éclaircies, mais peut-être un peu de pluie en fin de journée.
 
Le départ est donné à 4H00, sans feu de Bengale, sans musique… c’est moins émouvant que pour les Templiers. Je m’accroche à Jérôme, Stéphane, Frankie et Dominique. François nous rejoint très vite après avoir filmé le départ. Laurent Bourgeois, José et Sylvain sont partis devant. Laurent Benaceraf et Frankie sont juste derrière. Ca monte dès les premiers mètres, et je ne peux plus suivre les garçons… sauf Dominique qui ne me distancera qu’un peu plus tard. Ca monte toujours, pendant 1500m. Les coureurs forment un long serpent de lucioles dans la nuit, chacun à son rythme, chacun à sa place. Le jour se lève vers 5H30, mais on n’est pas encore en haut, loin s’en faut ! On atteint la neige, la traversée des névés n’est pas facile pour ceux autour de moi qui sont sans bâtons. Enfin le premier des 5 sommets de la course est atteint en 2H40 pour moi : le Brévent. Les garçons ayant fait une pause, je peux repartir avec eux. C’est le meilleur moment de la course : descente de 300 m de dénivelé dans la neige ! Je m’éclate et j’arrive avec les Tontons au ravito de PlanPraz à 7H00 pile, avec 45mn d’avance sur la barrière horaire. Pendant toute cette partie, j’admire le paysage, c’est parfois le Mont-Blanc, ou les Drus, ou l’Aiguille Verte qui apparaît au soleil, dans une déchirure du brouillard. Splendides et majestueux, ces sommets enneigés ! Une heure après, c’est La Flégère ! Les garçons y sont arrivés avant moi, sauf Dominique, qui s’est à nouveau tordu la cheville. Il va voir les secouristes pour  limiter les dégâts autant que possible et pouvoir descendre sur Vallorcine.
 
Je ne me souviens plus exactement de la suite, cela prouve que tout se passe bien… Je descends sur Vallorcine, 3ème ravito, où Sylvie Dujardin m’attend avec ma Vichy ! Je réalise que ma poche à eau est encore bien remplie…  je n’ai sûrement pas bu assez pendant ces 6 premières heures de course. Il est 10H05, et j’ai pas mal d’avance sur la barrière horaire. Je suis contente, car je pressens que cette marge va aller en diminuant. Une fois encore, je vois les garçons, mais ils sont en train de repartir quand j’arrive. Je prends un peu plus de temps qu’aux ravitaillements précédents et profite de la tome et du saucisson. Je repars tranquillement en papotant avec Sylvie. La suite me plaît bien : je n’ai personne ni devant, ni derrière, et je monte tranquillement à mon rythme, qui me permet de rattraper et dépasser un certain nombre de coureurs, ce qui n’est pas pour me déplaire, car je me sens vraiment bien. Voilà le col du Passet, et sa vue sur le barrage d’Emosson. Avant d’attaquer la descente, il faut suivre un sentier balcon bien boueux et accidenté. Je suis encore en forme, il passe bien… La descente est un vrai moment de bonheur, pas difficile, je peux je peux continuer à gagner des places et je retrouve Jérôme en grande discussion avec les Dujardin et Marie-Christine à Vallorcine. Cette fois, j’accepte avec plaisir ma bouteille de Vichy et la lingette imprégnée pour me rafraîchir.  Nous trottinons avec Jérôme jusqu’au ravitaillement, après avoir reçu les encouragements des marathoniens du groupe.
 
A ce stade, 40km, 3000m D+ et 10heures de course, je me sens en grande forme. Une bonne pause et nous repartons à l’assaut de l’Aiguillette des Posettes. Jérôme me distance rapidement, je continue à mon rythme, qui ralentit avec l’altitude. Je commence à me sentir barbouillée, nauséeuse… et plus on monte, plus c’est dur ! Entre le col et le sommet, mon classement recule à la vitesse grand V. Le paysage est magnifique, toujours, mais j’avoue que je regarde plutôt où je mets les pieds. Le début de la descente est dur, mais plus on descend, mieux je me sens, et je peux à nouveau reprendre quelques places. A Argentière, nos fidèles supporters sont toujours là, je leur avoue ma fatigue, mais je décline leur chocolat, je n’ai pas envie de manger. Je m’arrête quand même au ravitaillement un peu plus loin et me force à absorber quelque chose. Il reste 25 à 26km, bien qu’un coureur me dise qu’on en a déjà fait 60 ! La suite est toujours très dure, la montée au plan Joran, malgré un démarrage lent pour me ménager, devient vite difficile, je m’essouffle très facilement, que se passe-t-il ? Les jambes vont bien, pourtant ! Je me demande si je ne vais pas devoir abandonner… En haut, on nous annonce qu’il reste 20km, je me pose quelques minutes pour reprendre mon souffle et mes esprits, et je repars. Dans la descente, j’arrive à trottiner à nouveau, ça fait du bien, mais je sens quand même que je ne récupère pas vraiment. A l’avant-dernier ravitaillement, à une centaine de mètres de l’hôtel (quelle tentation !), je ne dois pas avoir bonne mine, vu le soin que m’apporte les bénévoles. Je suis toujours nauséeuse, et incapable d’avaler quoi que ce soit, mais il est hors de question que je reparte le ventre vide… je reste assise quelques minutes, et arrive à prendre un peu de soupe et des rondelles de banane. Et c’est reparti ! Je ne vais quand même pas m’arrêter à 15km de l’arrivée !
 
La montée du Montenvers, je la connais, on l’a faite il y a deux jours, ça ne m’avait pas semblé très dur, et après, y aura plus qu’à redescendre ! Allons-y ! C’est fou comme ça peut être subjectif les souvenirs ! Parce que finalement, elle est beaucoup plus dure que dans ma mémoire, cette montée ! J’entends une voix derrière moi qui m’appelle, je me retourne, c’est François ! Qu’est-il arrivé, il devrait être loin devant ! En fait, il s’est perdu, en suivant les mauvaises balises… Il me rattrape et me dépasse sans mal. Normalement, je devrais quand même arriver là-haut avant la nuit. Ça a été tout juste ! Heureusement que la fin du sentier est en dalles très claires… je me sens vraiment épuisée, je ne rêve que d’une chose : m’allonger pour ne plus sentir ces nausées. Seul problème : on est en haut, je ne vais donc pas échapper à la descente… quel que soit mon état. Après l’ultime pointage, qui fait croise à tous ceux qui me suivent sur internet, que je tiens le bon bout, j’avoue aux bénévoles que je n’en peux plus, que je me sens épuisée. Les secouristes me font entrer au chaud, dans le fameux hôtel du Montenvers, en attendant de pouvoir à nouveau manger un peu. Ils me proposent aussi, si je veux abandonner, de passer la nuit à l’hôtel et de redescendre le lendemain par le petit train. C’est vraiment tentant, d’autant plus qu’ils m’informent que la dernière descente commence par 200m de montée, avec des passages escarpés… toute seule avec la frontale et la fatigue, je le sens moyen faible ! Au moment où je relève la tête, je vois Jérôme : il s’était perdu. Il est un peu démoralisé, mais rien ne l’arrête et après avoir absorbé un peu de sucre et s’être réchauffé il repart. J’hésite très brièvement à l’accompagner, mais la raison prend le dessus et je confirme mon abandon. Une jeune étudiante en médecine m’accompagne au dortoir, déjà occupé par un trailer, et après avoir rassuré mes proches, je m’endors rapidement. Le réveil à 7H00 se fait sans problème, surtout qu’il est suivi par un bon petit déjeuner qui nous fait patienter jusqu’à l’arrivée du train, à 9H00. Nous aidons au chargement des restes de ravitaillement et autres matériels des bénévoles et secouristes, et nous voilà partis pour Chamonix, sous la pluie.
 
Je n’ai pas terminé la course, mais après avoir entendu les commentaires des uns et des autres sur la dernière descente, je ne regrette rien ! Finalement j’ai eu la totale : un trail de 75km et 5800 m D+, ainsi qu’une nuit à l’hôtel du Montenvers, hôtel très prisé pour lequel il faut réserver un an à l’avance ! et j’ai pris le petit train. Ma préparation musculaire était bonne, puisque je n’ai ressenti que quelques courbatures, il me reste à apprendre à gérer un peu mieux les pauses et les ravitaillements. Et le tout dans un site somptueux ! Merci quand même à ceux qui m’ont entraînée dans cette aventure, et à tous ceux qui m’ont soutenue, avant et pendant !
 
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